Photovoice

De nombreuses méthodes d’évaluation existent. L’objectif de cet article est de vous présenter une méthode de plus en plus utilisée auprès de communautés marginalisées soit Photovoice. De plus en plus reconnue comme une méthode efficace pour accéder aux opinions et aux besoins des communautés, photovoice les rend actif au sein du processus de recherche et favorise le développement de l’empowerment ce qui en fait une méthode parfaite dans un processus de recherche-action.

Il existe de nombreuses méthodes pour faire de la recherche et de nombreux types de recherche également. Toutes ont pour objectifs de nous faire acquérir des connaissances.

De plus en plus, la recherche-action participative est employée principalement auprès de communautés dont les besoins sont criants sur les plans de la santé physique et de la santé mentale et où la population générale gagnerait à la fois à être entendue et mobilisée (Fisher & Ball, 2002).

Le présent article propose la description théorique d’une méthode de recherche action participative qui utilise la photographie comme moyen afin d’accéder aux représentations et aux connaissances de la population. Une définition est d’abord présentée et elle est suivie de l’histoire du développement de la méthode Photovoice. Par la suite, une liste des avantages et des inconvénients est offerte.

Définition

Photovoice est une méthode de recherche action participative où le contrôle et le pouvoir sont également répartis entre les sujets de l’étude et l’équipe de chercheurs. En effet, dans le processus Photovoice, les participants sont présents tout au long du projet à partir du développement du devis de recherche jusqu’à la publication des résultats (Photovoice Steering Commitee, 2007). De cette manière, les sujets participent à la co-création de la connaissance et les chercheurs deviennent des facilitateurs du processus. Ainsi, tous les protagonistes sont sur un pied d’égalité, ce qui est cohérent avec les principes de justice sociale qui sous-tendent la recherche action participative (Foster-Fishman, Nowell, Deacon, Nievar & McCann, 2005; Palibroda, Krieg, Murdock, & Havelock, 2009). En effet, les méthodes de recherche-action participative reconnaissent que les membres d’une communauté sont des partenaires égaux dans la définition de la problématique, la collecte et l’analyse des données et la diffusion des résultats (Fisher & Ball, 2002). Par ailleurs, l’un des aspects intéressant est que l’activité n’est pas réservée aux dirigeants et aux décideurs, mais elle fournit l’opportunité à des gens qui ne sont normalement pas des spécialistes des questions sociales de se faire entendre (Photovoice Steering Committee, 2007).

La méthode Photovoice permet donc aux membres de la communauté de démontrer et d’identifier les forces et les difficultés présentes au sein de celle-ci. Elle permet également d’identifier les éléments et les enjeux importants à discuter et à régler au sein de la communauté de même qu’à obtenir l’attention des politiciens et des décideurs (Wang & Burris, 1997; Photovoice Steering Committee, 2007). À l’aide des photos prises par les membres de la communauté et de discussions sur les enjeux communautaires identifiés, cette méthode de recherche permet de créer un savoir utile et concret au niveau de l’amélioration de la qualité de vie (Foster-Fishman et al., 2005).

Cette méthode peut être utilisée pour plusieurs raisons, mais elle surtout employée au niveau de l’évaluation des besoins puisqu’elle permet d’avoir accès à des informations concrètes et utiles au niveau des besoins de la communauté (Goo-Kuratani & Lai, 2011). Généralement, à partir de discussions entre les participants et les membres de l’équipe de recherche, une question est identifiée. Par la suite, les participants munis de leurs caméras partent en quête de photographies qui permettront d’y répondre (Wang & Burris, 1997).

Historique

Photovoice a été créé par Caroline Wang et Mary-Anne Burris de l’Université du Michigan dans les années 1990 (Photovoice Steering Committee, 2007; Gagné, Jamieson, & Ouimet, 2009). Les auteures se sont basées principalement sur les théories du développement de la réflexion critique, les théories féministes et la photographie documentaire pour développer leur approche. Elles ont également testé et bonifié elles-mêmes leur méthode au sein d’un programme de développement du bien-être chez les femmes dans la province du Yunnan en Chine. Ainsi, par rapport à la réflexion critique, Wang et Burris (1997) affirment que l’un des moyens les plus efficaces pour que les membres d’une communauté se préoccupent de certains enjeux sociaux est d’en montrer des images. Cela est cohérent avec la philosophie de la photographie documentaire qui insiste sur l’importance de montrer des réalités sociales à travers les images afin de toucher la conscience sociale et de susciter la réflexion critique. Finalement, puisque l’éducation, donc la lecture et l’écriture, sont parfois réservées aux hommes dans les communautés, comme dans la province rurale du Yunnan où elles menaient leur étude, elles se devaient de trouver une méthode d’évaluation permettant d’accéder à la pensée et à la connaissance des femmes. À cet égard, l’approche féministe qui vise à redonner du pouvoir aux femmes est cohérente avec l’utilisation d’une méthode qui peut être utilisée malgré une incapacité à lire et à écrire. En outre, cela permet également d’impliquer des plus jeunes au sein du processus.

Avantages

L’un des avantage du Photovoice est qu’il s’agit d’une méthode très flexible puisque qu’elle peut être utilisée auprès de différentes communautés et de différents groupes, pour différents enjeux et différents buts (Wang & Burris, 1997; Foster-Fishman et al., 2005). Ainsi, puisque tous les projets sont différents, Photovoice permet de mettre l’emphase sur les aspects identifiés au sein de chaque projet et selon les questions de recherche, plutôt que de limiter l’équipe à des questionnaires ou sur des items très précis (Palibroda et al., 2009).

En outre, dans leur étude, le Photovoice Steering Committee (2007) a mesuré, au début et à la fin du processus, l’impact de celui-ci sur les participants de la communauté à l’aide d’une échelle d’empowerment et d’entrevues. Il en est ressorti que les participants pouvaient identifier différentes étapes qui favorisaient le développement de leur sentiment de capacité d’agir sur les divers enjeux identifiés. De leur côté, Foster-Fishman et ses collègues (2005) ont mesuré les impacts de l’utilisation du Photovoice et ont montré qu’elle engendre une augmentation du sentiment de compétence, une augmentation du sentiment d’être conscient de la réalité et une augmentation de la confiance en leur capacité d’être un agent de changement dans la communauté. L’ensemble de ces résultats est relié au fait que les sujets doivent être actifs au sein du processus tant en prenant les photos qu’en participant aux réflexions actives qui portent sur la réalité sociale. De plus, en présentant les sujets comme des experts, cela leur permet d’augmenter leur sentiment de compétence. En outre, ils développent des habiletés et des capacités en réflexion critique, des connaissances sur leur communauté, ainsi que leur estime d’eux-mêmes (Palibroda et al., 2009).

Au niveau des avantages pour la communauté, Photovoice entraine une augmentation du bien-être puisque les habitants sont plus au fait des forces, des ressources et des besoins de celle-ci. Il y a également un effet de contagion quant à l’empowerment de ses membres et à la mobilisation communautaire ce qui favorise la mise en place et la continuité d’un processus de changement en plus d’un meilleur sentiment d’appartenance (Wang & Burris, 1997; Palibroda et al., 2009). Par ailleurs, l’un des autres avantages concerne la dissémination du projet tant au niveau du processus que des résultats auprès de la communauté. Ainsi, lorsque les autres membres de la communauté posent des questions à ceux qui prennent les photos, cela augmente le facteur d’impact du processus et le nombre de personnes sensibilisées, ce qui favorise le succès du projet (Palibroda et al., 2009). De plus, la prise de photos et les groupes de discussions offrent des résultats tangibles, concrets et immédiats pour les membres de la communauté (Wang & Burris, 1997).

En outre, puisque Photovoice n’est pas une méthode qui recherche un consensus, mais bien au contraire la multiplicité des points de vue, cela permet aux chercheurs d’avoir accès à une compréhension plus complète de la réalité sociale selon le point de vue des membres d’une communauté (Foster-Fishman et al., 2005). Il s’agit d’un autre niveau d’expertise et de connaissances (Palibroda et al., 2009). Dans le même ordre d’idées, puisque les gens trainent leur caméra avec eux, les chercheurs ont accès à leur ntimité et à des réalités sociales qui ne sont normalement pas accessibles à l’aide d’entrevues ou de questionnaires. De plus, les photos représentent également d’autres personnes ou des éléments de la communauté ce qui élargit encore le bassin de connaissances (Wang & Burris, 1997). Enfin, il s’agit d’une méthode qui permet aux gens marginalisés de se faire entendre, donc ce ne sont plus seulement les leaders ou les décideurs qui donnent leur point de vue et son utilisation n’est pas limité par la capacité à lire ou à écrire ce qui favorise la participation de l’ensemble des membres (Wang & Burris, 1997; Palibroda et al., 2009; Valiquette-Tessier, Vandette, & Gosselin, 2013).

Finalement, contrairement aux tests et aux entrevues qui ciblent plus souvent les besoins et les difficultés, la méthode Photovoice permet d’illustrer à la fois les forces de la communauté en plus des besoins, ce qui en fait une approche plus positive qui favorise l’émergence du sentiment d’être un agent actif du processus de changement (Wang & Burris, 1997).

Limites

Les chercheurs qui décident d’utiliser Photovoice doivent être conscients que c’est une méthode qui prend du temps puisque ce sont les membres de la communauté qui sont en charge de la collecte des données. De plus, le développement des photos peut être onéreux il risque d’y avoir énormément de matériel à analyser ce qui engendre de la consommation de temps et d’argent (Wang & Burris, 1997).

Au niveau de la collecte et de l’analyse des données, certaines photographies ou discussions peuvent être douloureuses et engendrer des émotions négatives auprès des participants. Les chercheurs, qui sont des facilitateurs du processus, doivent y être sensibles et avoir mis en place des moyens pour fournir un environnement sécuritaire et sain pour la discussion et des ressources pour offrir de l’aide. Par ailleurs, il n’est pas toujours aisé de représenter des concepts abstraits ou des relations en images, ce qui oblige à approfondir certaines discussions (Palibroda et al., 2009). Ensuite, les chercheurs doivent aussi savoir que puisque ce sont les participants qui gèrent la collecte de données, ils influencent forcément le développement du savoir. La méthode est en effet très subjective puisque les photos montrent ce que les participants ont choisi de montrer, mais pas ce qu’ils ont choisi de ne pas montrer (Wang & Burris, 1997; Palibroda et al., 2009).

Finalement, lorsqu’un projet Photovoice est prévu, il doit également y avoir un plan d’action à long terme, c’est-à-dire une planification d’actions à entreprendre pendant et au terme du processus afin que les données collectées soient utiles à la communauté. Autrement, le processus risque d’être vain et décevant pour les participants, voire même de susciter un sentiment d’impuissance acquise (Wang & Burris, 1997).

Conclusion

La méthode Photovoice est de plus en plus utilisée à travers le monde principalement auprès de communautés où les besoins de justices sociales sont importants et où il semble que la mobilisation communautaire soit l’une des solutions aux différentes problématiques. D’ailleurs, de plus en plus d’études démontrent que cette méthode favorise l’empowerment chez les membres de la communauté où elle est employée. Bien que cet article n’en fasse pas mention, il est important de savoir que l’utilisation de cette méthode nécessite une planification rigoureuse afin d’en assurer le succès. Il n’y a qu’à penser aux considérations éthiques et politiques associées à la prise de photo et à la participation de membres marginalisés des communautés pour comprendre que cela peut créer des déséquilibre qu’il est important de pouvoir gérer (Wang & Burris, 1997). Toutefois, nous recommandons l’emploi de cette méthode qui est plus que prometteuse et permet également de créer des liens avec les communautés.

 

Références

Fisher, P.A., Ball, T.J. (2002). The Indian Family Wellness Project: An Application of the Tribal Participatory Research Model. Prevention science, 3(3), 5.

Foster-Fishman, P., Nowell, B., Deacon, Z., Nievar, M.A., & McCann, P. (2005). Using methods that matter: The impact of reflection, dialogue, and voice. American Journal of Community psychology, 36(3/4), 275-291.

Gagné, C., Jamieson, L., & Ouimet, R. (2009). Photovoice : une méthode d’action sociale. Le Partenaire, 18(1), 1-3.

Goo-Kuratani, D.L., & Lai, E. (2011). Photovoice littérature review. Repéré au teamlab.usc.edu/Photovoice%20LLiterature%20Review%20%28Final%29.pdf

Palibroda, B., Krieg, B., Murdock, L., & Havelock, J. (2009). A practical guide to photovoice. Sharing pictures, telling stories and changing communities. Winnipeg, Manitoba: Prairie Women’s Health Center of Excellence.

Photovoice Steering Committee (2007). Photovoice hamilton. Manual and resource kit. Ottawa, Ontario: Hamilton Community Foundation.

Valiquette-Tessier, S.-C., Vandette, M.-P., & Gosselin, J. (2013). Photovoice : une méthodologie innovatrice au service des mères monoparentales. Québec, Québec : ARUC.

Wang, C., & Burris, M.-A. (1997). Photovoice : Concept, methodology, and use for participatory needs assessment. Health, Education and Behavior, 24(3), 369-387.

Comment citer

Chénard, G. (2015). Photovoice. Dans Unipsed.net. Repéré à http://www.unipsed.net/?p=8020

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